
L’Abbé Alphonse Birame Ndour, délégué épiscopal au dialogue interreligieux, a représenté Mgr André Guèye, archevêque de Dakar, lors de l’atelier national sur le discours religieux, organisé par la Présidence de la République. Durant trois jours, du 21 au 23 octobre 2025, à Saly-Portudal, les différentes familles religieuses du Sénégal ont réfléchi ensemble au rôle du discours religieux dans la consolidation de la citoyenneté et de la cohésion sociale.
L’Église catholique, dans son intervention, fruit d’un travail collectif mené avec trois collaborateurs de l’archevêque, a proposé une lecture originale des liens entre culture sénégalaise et foi chrétienne. «Le Sénégal est reconnu dans le monde comme un espace singulier où la diversité n’est pas synonyme de division, mais de dialogue, de coexistence pacifique et d’enrichissement mutuel», a déclaré l’Abbé Ndour, en ouverture de sa présentation.
Cette stabilité sociale repose, selon lui, sur des valeurs profondément ancrées dans la société sénégalaise. L’Église en identifie six principales : le «jom» (dignité, honneur), le «muñ» (patience, persévérance), le «kersä» (pudeur, respect), le «ngor» (intégrité, droiture), la «teranga» (hospitalité, générosité) et le «sutura» (discrétion, sens de la retenue). «Ces valeurs constituent, pour nous chrétiens, ce que nous appelons des pierres d’attente de l’Évangile, car elles rejoignent en profondeur les valeurs chrétiennes de la dignité de la personne, de l’espérance, de l’humilité, de la justice, de l’amour fraternel et de la charité», a souligné le délégué épiscopal.
Pour l’Église sénégalaise, l’annonce de l’Évangile ne s’est pas faite en rupture avec les traditions locales. Au contraire, elle s’est construite comme une rencontre, une alliance avec le trésor culturel préexistant. L’Abbé Ndour a ainsi pris le temps de montrer les correspondances entre ces valeurs ancestrales et l’enseignement du Christ. Le «jom» renvoie à la conviction biblique que tout être humain est créé à l’image de Dieu. Le «muñ» rappelle la persévérance du Christ face à l’adversité. Le «kersä» s’accorde avec l’humilité évangélique. Le «ngor» rejoint l’appel à une justice authentique. La «teranga» illustre l’amour du prochain et l’accueil de l’étranger, si chers au cœur de l’Évangile. Le «sutura» reflète la charité qui protège la dignité de chacun.
«Sauvegarder ces valeurs, c’est sauvegarder le bien commun», a affirmé le représentant de l’archevêque. Il a précisé que le bien commun ne se limite pas aux biens matériels, mais inclut ces aspects immatériels qui constituent le socle du vouloir de vivre ensemble du peuple sénégalais. Le délégué de l’archevêque a clairement posé le cadre du rôle de chaque acteur. «L’acteur principal, le protagoniste, c’est l’État, car c’est son rôle et sa mission primordiale de maintenir notre nation fidèle à nos valeurs culturelles, et de garantir la cohésion et la stabilité de notre pays», a rappelé l’Abbé Ndour.
DANS SA COLLABORATION AVEC L’ETAT, «L’ÉGLISE AU SENEGAL GARDE TOUTE SA LIBERTE, INTERVENANT, AU BESOIN, A CONTRETEMPS, AVEC LA CHARITE EVANGELIQUE, POUR QUE VIVE LA JUSTICE»
Les religions et les autres acteurs doivent y contribuer, selon leur spécificité. «L’un des principes d’action de l’Église au Sénégal est d’être aux côtés de l’État, avec les autres forces vives de la nation», a ajouté le délégué épiscopal, en référence à la Doctrine Sociale de l’Église qui préconise une autonomie réciproque entre l’Église et la communauté politique, sans séparation excluant leur coopération. L’Église garde néanmoins sa liberté d’action. «Dans cette collaboration, l’Église au Sénégal garde toute sa liberté, intervenant, au besoin, à contretemps, avec la charité évangélique, pour que vive la justice», a précisé l’Abbé Ndour.
Le représentant de l’archevêque a rappelé l’action concrète de l’Église catholique dans plusieurs domaines. Dans l’éducation, les établissements catholiques, ouverts à tous, sans distinction religieuse, forment les élites du pays et transmettent des valeurs humaines et citoyennes. Dans la santé, l’Église gère des dispensaires, hôpitaux et centres de santé, souvent implantés dans des zones reculées. Dans le développement social, les Caritas et paroisses accompagnent les initiatives d’autonomisation, de formation professionnelle et de microfinance solidaire.
L’institution catholique sensibilise aussi les communautés à une gestion responsable de la nature, dans la lignée de l’encyclique Laudato Si’ du Pape François. Elle travaille aux côtés des autres confessions pour promouvoir la justice, le respect des droits humains et la réconciliation. «L’Église se tient comme ferment, comme levain dans la pâte, en rappelant que nous sommes tous responsables les uns des autres», a conclu l’Abbé Alphonse Birame Ndour, saluant la qualité du dialogue interreligieux au Sénégal et appelant à poursuivre ce chemin commun pour les générations futures.
L’atelier national a rassemblé les représentants des principales confessions religieuses du pays autour de la question du discours religieux et de son impact sur la construction citoyenne. Les travaux se sont achevés, mercredi 23 octobre dernier, avec l’engagement des participants à approfondir ce dialogue et à transmettre ces valeurs partagées aux jeunes générations.
Avec Abbé Roger Gomis et Ucs.sn










