EXIGENCE RÉPUBLICAINE

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Attaché militaire à Rome, le colonel Abdoul Aziz Ndaw, auteur du brûlot, “Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise”, a été rappelé à Dakar pour répondre des conséquences disciplinaires de ses actes, a annoncé hier lundi, Augustin Tine, ministre des Forces armées. Par contre, du général Abdoulaye Fall, ancien Haut commandant de la gendarmerie, principal mis en cause, il n’a point été question.  Par cette décision, Augustin Tine prend ainsi le contrepied de Moustapha Diakhaté, président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakaar (BBY) qui plaide pour “le droit de savoir” des citoyens  puisque a-t-il souligné, il “ne peut y avoir de forêt sacrée en matière d’information pour le public sénégalais» (voir Sud du 21 juillet 2014).

Sans nul doute a-t-il bien raison de rappeler cette exigence républicaine, en ces temps troubles où la démocratie sénégalaise est sérieusement mise à mal par une flopée de scandales qui menacent ses bases. En effet, nulle démocratie ne peut prospérer dans l’omerta, dans une sainte alliance d’élus s’échinant à contenir l’éclatement de la vérité, préoccupés qu’ils sont à défendre leurs propres intérêts contre la République.

Même si Augustin Tine a annoncé la mise en branle prochaine de l’Inspection générale des forces armées pour “enquêter sur les allégations du livre et en tirer toutes les conséquences de droit“, tout en déclarant que “les personnes mises en cause se réserveront le droit d’ester en justice”, force est de constater qu’il s’est plus appesanti sur la violation du droit de réserve dont se serait rendu coupable le colonel Ndaw. 

Aussi peut-on relever, sans préjuger de la véracité ou non des faits avancés dans l’ouvrage, que les premières réponses servies par l’Etat sur ce dossier qui agite la maréchaussée ne sont pas pour rassurer. Il suffit de rappeler que “Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise”, qui fait tant de bruit, n’est toujours pas disponible dans les librairies. Il se susurre d’ailleurs que ordre a été donné aux services de la Douane de ne pas livrer les commandes qui seraient faites, renouant ainsi avec une censure pernicieuse, qui ne dit pas son nom, et qu’on était en droit de penser révolue.

Les gens sont ainsi réduits à se ruer sur Internet ou à se procurer le livre par des voies obliques, à l’instar du président du groupe parlementaire de  BBY qui dit attendre de se faire une religion en lisant l’ouvrage qui lui sera rapporté de France par un ami.

En tout état de cause, le principal concerné, le général Abdoulaye Fall, représentant au Portugal un pays dont il est accusé d’avoir terni l’image, sur lequel ne pèse aucune mesure conservatoire, renonce à porter plainte car, a-t-il estimé,  “le mal est déjà fait” (Voir Libération du lundi 21 juillet 2014). Bien au contraire rien n’est fait car tout est à faire. Il s’agit pour le moment d’accusations et cela n’occulte en rien la présomption d’innocence. D’où la nécessité de diligenter des enquêtes afin d’édifier l’opinion sur ce qui s’est réellement passé au sein de la maréchaussée. A défaut, c’est la bourrasque du discrédit qui risque d’emporter une de nos institutions les plus prestigieuses. 

En effet, alors que la police qui avait été secouée par une affaire de drogue continue de patauger dans la défiance, voilà que c’est au tour de la prestigieuse gendarmerie d’être confrontée à une sordide affaire de corruption. L’Etat ne peut donc continuer de faire le dos rond,  comme si de rien n’était, se contentant simplement de fustiger la violation du droit de réserve qui incombe à tout fonctionnaire, choisissant ainsi de laisser les chiens aboyer alors que passe la caravane de toutes les impostures. 

Comment en effet être serein quand on sait que la guerre en Casamance qui sévit depuis plus de trente ans s’est développée sur fond de complicité délictuelle  entre le Mfdc et les forces armées ? On voyait la crise casamançaise basculer de plus en plus en un foyer de grand banditisme, sur fond de trafics divers autour de la drogue, du bois de venn, de l’anacarde, mais de là, à ce que le haut commandement de la gendarmerie soit au cœur du trafic, il y a de quoi avoir froid dans le dos. Les autorités politiques sont d’autant plus interpellées, que l’ancien secrétaire général du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), Jean-Marie  Biagui, révèle que l’ancien président Abdoulaye Wade en était averti de même que Macky Sall, alors Premier ministre  (Lire Sud quotidien du lundi 21 juillet 2014). 

Aucune mesure radicale n’aura été prise pour éradiquer le mal, le ver étant toujours logé dans le fruit. Point de rupture donc puisque perdurent les politiques d’impunité, de prévarication et de népotisme, comme le rappelle fort opportunément le Syndicat unique des travailleurs de la justice (Sytjust) qui s’en prend dans un communiqué, aux magistrats qui “s’enrichissent sans cause, à coup de millions, sur le dos de justiciables aux revenus très maigres et dont la plupart sont de braves cultivateurs et éleveurs». 
Quand un pays ne croit plus en ses dirigeants, ni en ses forces armées, ni en ses magistrats, c’est le début de la fin,  la porte ouverte à toutes les dérives. 

La question n’est point aujourd’hui de savoir s’il y a eu ou non violation d’un quelconque droit de réserve (des sanctions administratives sont prévues pour cela) mais s’il y a eu des fautes graves de la part des plus hautes autorités chargées de la sécurité des Sénégalais.  Il s’agit ni plus ni moins que  de restaurer la confiance  dans les institutions du pays. Le chef de l’Etat, chef suprême des armées,  est par conséquent sommé de réagir vigoureusement en se faisant le héraut de la lutte contre la corruption et l’impunité.

Vieux SAVANE
Publication 22/07/2014

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