Gestion conflictuelle de mosquées : Imam Kanté diagnostique le mal

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La vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux. Les internautes la font circuler, avec colère et indignation. On y voit des fidèles se jeter des chaises et on entend des cris. La scène s’est passée à la mosquée Amitié-Baobab-Karack à Dakar, le week-end dernier, lors d’une assemblée générale convoquée par le Comité de gestion dudit lieu de culte. A l’origine de cette scène, deux camps qui se disputent la gestion de la mosquée dont celui de l’imam et d’un autre groupe de fidèles. Regrattant cet état de fait, l’imam de la mosquée du Point E, Amadou Makhtar Kanté, nous fait le diagnostic de la gestion des mosquées.

«C’est regrettable qu’il y ait des évènements de ce genre et surtout dans des lieux de culte. C’est vraiment choquant qu’on dise qu’il y a des gens qui se chamaillent dans une mosquée, une église ou dans un temple. Mais la nature humaine faisant, il est arrivé dans l’histoire des lieux de culte, il est arrivé des choses très graves, que ça soit dans des mosquées, des églises, des temples ; et pourtant, ce n’est pas forcément la vocation de ces lieux. Il y a toujours la nature humaine dernière. Donc, il y a des ambitions humaines avouées ou non, des influences de Satan qui essaient de diviser la communauté.

Je disais à quelqu’un qu’une mosquée, ce n’est pas seulement un bâtiment. C’est un groupe social dans le sens où il y a des gens qui viennent avec des tempéraments différents, une éducation différente, des expériences, des ambitions et des intentions différentes. Et tout ce monde-là se retrouve à la mosquée et vous ne pouvez dire à personne pourquoi vous êtes à la mosquée. Donc, quand la mosquée aussi a des problèmes d’organisation et ça c’est un des grands problèmes de nos mosquées au Sénégal.

Il n’y a pas longtemps, je réfléchissais sur ça. Je disais qu’au Sénégal, il n’y a pas un modèle formel de mosquée en réalité. Chaque mosquée a sa propre identité, son histoire et sa façon de fonctionner. Il y a des mosquées plus ou moins bien organisées, contrairement à d’autres où c’est le désordre. Ce qui fait que maintenant, ça fragilise les mosquées. Il y a des moquées où c’est l’imam qui détermine tout. C’est lui qui est l’autorité et ça, souvent, c’est le modèle des mosquées confrériques où c’est le Khalife ou un des grands marabouts de la confrérie qui désigne un imam. Et les gens le regardent comme étant le représentant du Khalife. Ils le respectent.

Maintenant, les mosquées évoluent surtout celles urbaines. De plus en plus, les gens veulent intervenir dans la mosquée, donner leur point de vue. Ce qui fait que si la mosquée n’est pas bien organisée, avec une communauté qui fait participer les gens et accepter leurs contributions, fait régulièrement des réunions, fait la reddition des comptes de l’argent qui entre dans la mosquée (certaines mosquées font des boutiques), ça pose problème.

Dès fois, c’est l’imam même qui est contesté parce qu’il n’a pas les compétences réelles pour diriger la prière ou bien son autorité morale pose problème. Ce qui fait que dès fois, il y a des combats d’imams etc. C’est un problème de manque d’organisation.

Souvent aussi, il n’y a pas une charte ou bien une convention, un règlement intérieur ; ce qui fait qu’on ne sait pas qui est responsable de quoi et jusqu’à quel niveau et à qui il doit rendre compte sur la gestion de telle ou telle chose. Donc, quand les problèmes arrivent à un certain niveau, l’Etat doit intervenir avant qu’il y ait des choses très graves. S’il le faut même fermer la mosquée, le temps de régler le problème.

Il y a aussi les influences dans les mosquées. Les gens qui ont de l’argent qui habitent dans le quartier, en général, quand ils mettent leur argent, ils veulent avoir un pouvoir dans la mosquée. S’ils ne peuvent pas être imams, ils veulent essayer de diriger le bureau de la mosquée pour avoir de l’influence. Ils essaient même de dicter à l’imam, parfois, ce qu’il doit dire, ce qu’il doit faire. Une question d’argent qui influe, qui fait que si l’imam ne fait pas attention, s’il ne craint pas Dieu, il risque de tout faire pour beaucoup plus plaire aux gens qui lui donnent de l’argent.

Il y a aussi des hommes politiques qui mettent de l’argent dans les mosquées et en même temps qui s’attirent la sympathie de l’imam. Il y a aussi le problème des sensibilités doctrinales. Toutefois, il faut affronter les problèmes parce que, par définition, la vocation d’une mosquée n’est pas un champ de bataille. C’est un lieu de recueillement.»

M DJIGO

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