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Hommage à Julien Kéléfa Sané : Julien, l’infalsifiable julien, nous a quittés !

Qui était Julien Kéléfa Sané ? Il y aurait autant de réponses que de personnes l’ayant connu. Des journées entières n’y suffiraient pas tant il était un véritable puits sans fond. Les qualificatifs se télescopent mais, inspiré par plus de 50 ans d’amitié solide, celui que je privilégie est « Julien l’infalsifiable » !

C’est bien simple, Julien, quand il ne vous connaît pas, se replie sur lui-même et sa carapace devient alors impénétrable. De prime abord, on pourrait être tenté de le trouver sévère, inaccessible. Et quand il daigne vous jeter un coup d’œil, vous avez l’impression qu’il vous snobe, qu’il vous méprise même, à travers un regard indifférent voire austère.

En fait, l’homme se voulait prudent. L’expansion spontanée était loin d’être son genre. Plus méfiant que lui, impossible ! Certains pouvaient penser qu’il était timide. Or, pas du tout ! Julien était plutôt un homme profondément pudique, d’une discrétion extrême jusqu’à le rendre froid, réservé, renfermé. Une vraie carpe muette ! Son apparence parfois peu engageante était sa façon à lui de se protéger contre tout débordement intempestif d’exubérants sans gêne.

Julien était l’incarnation même de la douceur. D’abord une douceur dans la voix que les auditeurs de son émission « À l’écoute des Nations Unies » sur Radio-Sénégal ont beaucoup appréciée pendant une vingtaine d’années.

Il était tout le contraire d’un tempérament hautain et suffisant. Et dans son contact, à vrai dire, il n’y avait rien d’hostile. Bien au contraire ! Julien personnifiait la convivialité. Quelle chaleur amicale ! Quelle chaleur fraternelle ! Quand la méfiance avait le bonheur de céder la place à la confiance, alors, la plaisanterie, la taquinerie, la farce étaient le mode d’expression favori de Julien Sané.

Il était avant tout un intellectuel pur-sang doté d’une culture générale hors du commun, pas tapageuse pour deux sous, qui ferait pâlir les pus bardés de diplômes en tout genre ! Sa maîtrise du latin et du grec lui procurait une aisance exceptionnelle dans le maniement de la langue française qu’il cumulait avec de subtilité, faisait de lui un compagnon exquis. Partout, il se comportait avec une élégance remarquable.

Persifleur devant l’Éternel, Julien affectionnait de tourner en dérision, sans malveillance aucune, les auteurs de maladresses de vocabulaire aussi bien en wolof qu’en français, deux langues qu’il maîtrisait à la perfection comme, par exemple, un homme d’État étranger qui parlait de “rechercheurs” au lieu de “chercheurs” ou des employés de maison qui, pour répondre au téléphone, s’écriaient “ À quelle part” ? “ À la part de qui” ?

Oui, il avait le rire communicatif. Un dimanche, soupçonnant un de ses enfants d’avoir manqué la messe alors qu’il soutenait mordicus y être allé, il lui demanda ce qu’on avait dit au cours de l’office. L’autre, avec aplomb : « On a parlé de Jésus ». Se tordant de rire, Julien laissa tomber : « Tu te rends compte comment il se paie ma tête ? ».

Un autre jour, dans l’arrière-cour en plein air « Chez Tata Mané », une ancienne gargote aujourd’hui disparue, en face du Port de Dakar, dans un éclat de rire gentiment gouailleur, il attira mon attention sur deux belles perles lâchées à la cantonade par un confrère qui tenait en haleine un petit groupe d’amis. « Bomb, tu as entendu le gars là-bas s’exclamer « il m’en bouche un trou » (au lieu de « il m’en bouche un coin ») ou encore « il n’est vraiment pas dans son plat, le gars… » (au lieu de « son assiette »). Oui, Julien n’avait pas son pareil pour raconter des drôleries qui ne manquaient pas de provoquer le fou-rire dans son entourage.

Il avait véritablement le « goût des autres », un sentiment si rare. D’une grande sensibilité, l’amitié occupait chez lui une place prioritaire dans l’échelle des valeurs. Puisse son exemple servir de modèle dans un monde où l’amour du prochain n’est pas la chose la mieux partagée ! Ses enfants peuvent être fiers de leur père, qui nous manquera beaucoup.

Quant à toi Alice, ma chère cousine par alliance, ma très chère Mangala-fille-des-Indes, toi qui m’as permis de connaître Julien qui faisait des reportages sportifs alors que tu taquinais le football, sache que je serai toujours à vos côtés, toi et les enfants, comme hier, aujourd’hui, toujours, pour le meilleur et pour le pire !

Adieu l’ami ! Va vers « La lumière éternelle », mon frère !

Adieu l’INFALSIFIABLE !

Diomansi Bomboté, journaliste malien,

ami et collègue de Julien Sané aux Nations Unies

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