« La CAN a ouvert le verrou »: comment le Sénégal est devenu la meilleure équipe de foot d’Afrique ?

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Vainqueur du CHAN presque un an jour pour jour après la CAN, en plus de la CAN beach-soccer, le Sénégal est devenu en douze mois le premier pays africain à remporter les trois titres majeurs du continent. Stabilité, formation et culture de la victoire sont les raisons d’un succès que le président du Dakar Sacré-Cœur, Matthieu Chupin, l’entraîneur de Jaraaf, Youssouph Dabo, et l’ancien international, Demba Ba, décryptent pour Ouest France.

Le 6 février 2023 a surpassé le 31 mai 2002 au panthéon des victoires inoubliables du football sénégalais. Il y a un peu plus d’un an, la bande à Sadio Mané et Édouard Mendy remportait la première Coupe d’Afrique des Nations de l’histoire du Sénégal face à l’Égypte (0-0, 4-2 tab) et une liesse plus vécue depuis la victoire des « Lions de la Teranga » contre les Champions du monde Bleus (1-0) en 2002 s’emparait de Dakar.

Un titre historique dont les Sénégalais viennent tout juste de fêter la première bougie en garnissant leur armoire à trophée avec le Championnat d’Afrique des nations. En finale, l’équipe des « Lions locaux », constituée uniquement de joueurs évoluant dans le championnat sénégalais, a défait le favori algérien sur ses terres (0-0, 5-4 tab) pour clôturer douze mois couronnés de succès chez les jeunes, en sélection féminine ou en beach-soccer avec un septième trophée continental.

Une victoire dans les trois tournois majeurs de la Confédération africaine de football (CAF) inédite qui place le football sénégalais sur le toit du continent. Tout sauf un hasard pour ses acteurs.

« Le Sénégal est la deuxième nation étrangère la plus représentée du championnat de France »

« Ces succès sont le fruit d’une dynamique positive depuis la finale de la Coupe d’Afrique des Nations et le quart de finale de Coupe du monde 2002 », assure Matthieu Chupin, qui travaille depuis trente ans dans le football sénégalais. Président du club de Dakar Sacré-Cœur depuis 2010, il constate au quotidien la richesse du vivier sénégalais : « Depuis 1995 le Sénégal est la deuxième nation étrangère la plus représentée du championnat de France, après le Brésil et devant l’Argentine. Une statistique incroyable pour un pays de 16 millions d’habitants, qui démontre les qualités individuelles et l’adaptabilité de nos joueurs. »

« Le Sénégal est un pays de talent ! Il l’a toujours été depuis Jean-François Bocandé, en passant par El-Hadji Diouf, Mamadou Niang et Sadio Mané », poursuit Demba Ba, l’ancien international (22 sélections, 4 buts) passé par Chelsea ou Newcastle. « Aujourd’hui, à l’image des deux sélectionneurs, Aliou Cissé (CAN) et Pape Thiaw (CHAN), le Sénégal bénéficie de l’expérience de joueurs qui jouent ou ont joué dans les championnats majeurs », analyse le nouveau propriétaire du Amitié FC de Thiès, club de deuxième division.

Cette « double culture » entre l’expertise du haut niveau européen et la compréhension de la mentalité locale est une force. Au même titre qu’une valeur, « indivisible avec le succès » : la stabilité.

« La CAN a ouvert le verrou ! On sait gagner maintenant… »

Avec un président de Fédération, Augustin Senghor, en place depuis 2009 et un sélectionneur depuis 2015, les Lions de la Teranga ont pris le temps de construire leurs victoires. « Aliou Cissé a constitué un groupe de base autour de ses leaders Idrissa Guèye, Sadio Mané ou Kalidou Koulibaly et a su ajuster son équipe au fil des compétitions », observe Youssouph Dabo, l’entraîneur de Jaraaf, club le plus titré du pays.

Élimination en quarts de finale de la CAN 2017 contre le Cameroun (0-0, 4-5 tab), qualification à la Coupe du monde 2018, défaite en finale lors de la CAN 2019 contre l’Algérie (0-1) : ces moments ont jalonné le parcours des Lions jusqu’à la victoire de 2022 qui marque « un tournant sur le plan mental » pour l’ancien éducateur du Red Star.

« Cette CAN a ouvert le verrou !, se félicite Demba Ba. Le Sénégal sait gagner maintenant. Et avec plus de la moitié de vainqueurs passés par les clubs locaux, cela valide les progrès réalisés ces dernières années. »

« C’est la récompense d’un travail de fond, complète le dirigeant Matthieu Chupin. Malgré peu d’aides financières, l’investissement dans la formation impulsée par les académies comme Générations Foot (Sadio Mané ou Ismaila Sarr), l’Institut Diambars (Idrissa Gueye ou Bamba Dieng) ou mon club du Dakar Sacré-Cœur s’est généralisé dans les clubs traditionnels et il porte ses fruits. »

Des initiatives privées qui supportent un football local qui se structure autour d’une compétition régulière et homogène, dont pas moins de 9 clubs sur les 14 de Ligue 1 étaient représentés lors de la victoire au CHAN.

Contrer la fuite de talent

Sélectionneur des U20 en 2019 et 2020, Youssouph Dabo a aussi pu bénéficier des nombreux stages d’entraînements mis en place par la fédération dans les deux centres d’entraînements « Jules-François Bocandé » « et « Youssoupha Ndiaye », qui ont vu le jour en 2013 et en 2019. Et qui permettent à la direction technique nationale d’organiser plus de formations pour les entraîneurs locaux. « Des progrès réels qui ne doivent pas cacher le manque de moyens et surtout d’infrastructures du football » au pays de la Teranga.

Dès le lendemain de la victoire au CHAN, le président de la république, Macky Sall, a annoncé la création d’un programme national pour poursuivre cette dynamique de victoire.

Objectif ? « Encourager l’appui du secteur privé et des entreprises publiques au football local. » Un développement des partenariats public-privé « impératif » selon Matthieu Chupin pour que « le Sénégal se dote de cinq ou six stades de qualité ».

Une arrivée nouvelle de sponsors permettrait également de « contrer la fuite des talents » vers les championnats du Soudan, de Tanzanie, du Maroc ou de Tunisie et de « prolonger l’embellie continentale en sélection aux clubs », exprime Youssouph Dabo. « On doit continuer de progresser et être réguliers, prévient l’ancien attaquant Demba Ba. C’est la condition pour que le Sénégal s’installe durablement à la table du Cameroun ou de l’Egypte comme une grande nation du foot africain. »

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