Leçon inaugurale du 1er forum du livre et de la lecture : le Dr Pam plaide pour le rapatriement des archives conservées en Europe

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C’est dans l’enceinte du Grand Théâtre de Dakar, sous le haut patronage du Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, que le Dr Adama Pam a prononcé hier, jeudi 16 octobre 2025, la leçon inaugurale du 1er Forum national du livre et de la lecture. Devant un parterre d’intellectuels, de décideurs et de passionnés de la culture, son discours, engagé, a placé la lecture au cœur du développement et de la souveraineté des peuples.  L’archiviste a plaidé pour le rapatriement des archives africaines conservées en Europe, le développement de l’édition en langues nationales, et la mise en place de politiques publiques ambitieuses et financées sur le long terme pour les bibliothèques

D’entrée de jeu, le Dr Pam a rappelé avec force que la lecture n’est pas un simple acte passif. « Elle est le socle de l’éducation, le ferment de l’esprit critique et le vecteur de l’émancipation », a-t-il affirmé. Pour lui, un peuple qui lit est un peuple qui dialogue, qui invente son avenir et qui s’équilibre entre sa langue et celle des autres. Les bibliothèques, loin d’être de simples dépôts de livres, en sont « le cœur battant », conservant la mémoire, les rêves et la respiration des sociétés.

Revisitant une histoire souvent occultée, le conférencier a vigoureusement déconstruit le stéréotype d’une Afrique exclusivement orale. Il a cité en exemple la bibliothèque d’Alexandrie, l’une des plus anciennes au monde, et rappelé le rôle des centres intellectuels ouest-africains comme Tombouctou, qui comptait au XVIe siècle pas moins de 25 000 étudiants et une bibliothèque riche de 700 000 manuscrits. « L’Afrique a été, à travers les âges, un foyer intense de production et de diffusion du savoir écrit », a-t-il souligné, évoquant également les trésors bibliophiliques de Ségou, de Sokoto ou de l’empire de Samory Touré.

Le Dr Pam a ensuite établi un lien fondamental entre le livre et la souveraineté. Dès les conquêtes coloniales, a-t-il expliqué, les Africains ont perçu dans le livre le secret de la puissance de l’homme blanc. La célèbre « Grande Royale » de Cheikh Hamidou Kane envoyait ainsi les enfants à l’école pour « apprendre à vaincre sans avoir raison ». Le livre est ainsi devenu un enjeu de pouvoir, un instrument à maîtriser pour comprendre la domination et s’en affranchir.

Les luttes pour la décolonisation du savoir

La conférence a également retracé les combats pour l’accès au savoir et la décolonisation des bibliothèques. Dès 1947, la revue Présence Africaine portait cet idéal. L’UNESCO, dès les années 1950, a tenté de promouvoir un réseau de lecture publique, mais s’est heurtée au refus des autorités coloniales françaises, attachées à leur politique assimilationniste. Malgré tout, la persévérance des pionniers a permis la création, dès 1957, de la première association inter-africaine de promotion des bibliothèques à Saint-Louis, puis d’écoles de formation comme l’école des Bibliothécaire Archivistes et Documentalistes (EBAD) de Dakar en 1961.

Des propositions pour l’avenir

En conclusion, le Dr Adama Pam a formulé des propositions concrètes pour alimenter les travaux du forum. Il a plaidé pour le rapatriement des archives africaines conservées en Europe, le développement de l’édition en langues nationales, et la mise en place de politiques publiques ambitieuses et financées sur le long terme pour les bibliothèques.

Cette leçon inaugurale, saluée par des applaudissements, a posé les bases d’une réflexion essentielle : sans accès au livre et à la lecture, aucune souveraineté intellectuelle, et donc politique, n’est possible. Un message fort, adressé aux plus hautes sphères de l’État, en présence symbolique du Président de la République, rappelant que l’avenir du Sénégal et de l’Afrique se joue aussi dans ses bibliothèques.

LAMINE DIEDHIOU

 

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