
En prélude à l’ouverture de la session ordinaire unique pour l’année 2025-2026 de l’Assemblée nationale, Mohamed Ayib Salim Daffé, Secrétaire général Pastef et président du groupe parlementaire de la majorité Pastef revient sur les enjeux de cette nouvelle année législative. Dans ce jeu de questions- réponses, le chef de file de la majorité annonçant que la composition du nouveau bureau obéira au principe de stabilité, a également révélé que le projet de résolution visant la mise en accusation de l’ancien chef de l’État, Macky Sall, déposé en avril dernier par le député Guy Marius Sagna sera examiné par le bureau de l’Assemblée nationale au cours de cette session.
L’Assemblée nationale procède ce jour, mercredi 15 octobre, à l’ouverture de sa session ordinaire unique pour l’année parlementaire 2025-2026. Quelle composition du bureau faut-il attendre ?
En ce qui concerne la composition du bureau, il faut rappeler que celui-ci est renouvelé chaque année. Ce renouvellement concerne les vice-présidents, les questeurs et les secrétaires élus. Comme il s’agit d’un renouvellement, le principe recherché est la stabilité. Nous appartenons à une majorité, et nous nous concertons au sein de celle-ci, notamment avec le président du parti Pastef, pour échanger sur ce renouvellement du bureau.
Mais sachez que la stabilité reste notre objectif. Il y a également le poste de cinquième vice-président, laissé vacant par Amadou Ba, devenu ministre, qui devra être remplacé. Nous en saurons davantage lors de la séance plénière. Pour l’instant, les concertations se poursuivent, d’abord en interne, avant d’être partagées.
Quels sont, selon vous, les chantiers prioritaires de cette législature et comment votre groupe entend-il accompagner la vision du président de la République ?
Dans le cadre du plan d’action que nous élaborons pour la session 2025-2026, notre priorité sera de renforcer le contrôle de l’action gouvernementale. Ce renforcement s’opérera à plusieurs niveaux : par la mise en place de commissions d’enquête parlementaire, l’audition de membres de l’Exécutif et les questions traditionnelles (écrites ou orales) adressées au gouvernement. Grâce au nouveau règlement intérieur, nous allons approfondir ce contrôle et inaugurer l’ère de l’évaluation des politiques publiques, à travers un comité permanent dédié. Dès cette session, nous lancerons les premières évaluations et publierons les premiers rapports : une véritable nouveauté.
Concernant notre mission constitutionnelle de vote des lois, nous continuerons à soutenir les projets du gouvernement, mais avec un œil critique, en formulant des amendements lorsque cela s’avère nécessaire. Nous voulons également renforcer l’initiative législative : lors de la précédente session, nous n’avions déposé que deux propositions de loi ; nous visons à doubler, voire tripler ce chiffre cette année.
En résumé, nos priorités sont davantage d’initiatives législatives ; un contrôle renforcé de l’action gouvernementale ; l’évaluation des politiques publiques ; et une présence accrue du groupe parlementaire sur le terrain, à l’écoute des citoyens et des acteurs sociaux.
Vous parlez de renforcer l’initiative législative. Avez-vous déjà des idées de lois à proposer durant cette législature ?
Plusieurs propositions sont à l’étude, mais elles font encore l’objet de consultations internes, donc il est prématuré d’en parler en détail.
Toutefois, l’esprit général est de contribuer à la mise en œuvre de la vision Sénégal 2050, autour de plusieurs axes : la bonne gouvernance, la reddition des comptes, la justice sociale et environnementale, l’amélioration du cadre de vie. Des questions économiques, comme les conditions de vie des Sénégalais, feront aussi partie des priorités. Et puisque nous faisons partie de la majorité, ces initiatives se feront bien sûr en concertation avec l’Exécutif, qui dispose également d’un agenda législatif important.
Depuis l’installation de la nouvelle Assemblée, quels ont été, selon vous, les moments forts de l’action de votre groupe ?
Depuis l’installation de cette nouvelle Assemblée nationale, notre groupe n’a pas chômé. L’Assemblée a été installée en décembre 2024, et il a fallu adopter le projet de loi de finances dans des délais très serrés. Ce fut un véritable sprint budgétaire.
Ensuite, plusieurs projets de loi prioritaires du gouvernement ont été examinés, notamment la suppression du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE), mais aussi des textes relatifs à la justice, à la gouvernance et au plan de redressement économique et social (révision du Code des investissements, du Code général des impôts, etc.). Nous avons également initié des propositions de loi, dont celle interprétant la loi d’amnistie et la refonte du règlement intérieur, ce dernier ayant été revu en profondeur et adopté à l’unanimité.
Par ailleurs, plusieurs commissions, longtemps inactives, ont repris leurs travaux : la Commission des délégations a commencé à évaluer l’application des lois, notamment celle sur les déchets plastiques ; la Commission des comptes a multiplié les réunions et les rapports.
Les douze commissions permanentes sont désormais très dynamiques un signe de rupture avec le passé. Nous avons également travaillé sur la méthodologie d’évaluation des politiques publiques, sur la chaîne parlementaire et sur les règlements administratif et financier de l’Assemblée, qui ont été entièrement révisés. Malgré une session écourtée (décembre à juillet), le travail accompli est considérable et a permis de poser les bases d’une Assemblée nationale plus proche du peuple et moteur des grandes réformes à venir.
On s’attendait à une relecture des deux lois adoptées : loi interprétative de la loi d’amnistie et la modification du règlement après la décision du Conseil constitutionnel. Qu’en est-il ?
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision, a confirmé notre interprétation : les crimes de sang ne sont pas couverts par la loi d’amnistie. Dès lors, il n’était plus nécessaire de présenter une nouvelle proposition de loi, puisque l’objectif visé était déjà atteint. Nous avions d’ailleurs publié un communiqué indiquant que « la balle est désormais dans le camp des juges ». Il est d’ailleurs heureux de constater que les enquêtes ont récemment repris.
S’agissant de la loi modifiant le règlement intérieur, sur plus de 150 articles, un seul a été censuré, et il reprenait déjà une disposition constitutionnelle. Les réserves d’interprétation du Conseil sur la convocation des magistrats devant les commissions d’enquête ne remettent nullement en cause le texte.
Sur environ 1500 alinéas, seuls une dizaine ont fait l’objet de réserves. Le règlement intérieur est donc conforme à la Constitution, à quelques exceptions près. Il n’y a donc pas lieu d’en faire un sujet de controverse.
Certains estiment que l’opposition n’a pas assez d’espace au sein de l’Assemblée. Que leur répondez-vous ?
C’est un discours qui ne reflète pas la réalité. L’espace dont dispose l’opposition à l’Assemblée correspond à celui que lui ont accordé les électeurs. Le groupe Takku-Wallu, principal groupe d’opposition, s’exprime librement et participe à toutes les activités de l’Assemblée.
Les députés de l’opposition ont été co-auteurs du règlement intérieur et ont pris part à toutes les réformes majeures, notamment sur l’évaluation des politiques publiques et la chaîne parlementaire. Certes, le groupe Pastef est majoritaire, mais tous les droits de l’opposition sont respectés, y compris leur représentation dans les instances, proportionnellement à leur poids politique. C’est cela la démocratie, et c’est le respect de la volonté populaire.
Le groupe Pastef rassemble des profils très variés. Comment maintenez-vous la cohésion interne ?
C’est vrai, nous avons des profils divers, mais nous partageons un socle commun : le patriotisme et la vision du parti Pastef, qui nous a portés à l’Assemblée sous la direction du président Ousmane Sonko. Cette base idéologique nous assure une certaine cohérence et homogénéité dans nos objectifs. Bien sûr, des divergences existent, mais elles sont secondaires et se règlent par la concertation et le dialogue. Avant chaque vote ou séance plénière, nous organisons des sessions d’échanges et de formation pour harmoniser nos positions.
En ce qui me concerne, c’est l’écoute, le sens du collectif et le dépassement des intérêts personnels qui nous permettent de préserver la dynamique du groupe.
L’absence de parité est souvent critiquée. Pourquoi le premier vice-président de l’Assemblée n’est-il pas une femme ?
L’Assemblée nationale est régie par une loi organique, le règlement intérieur, qui complète la Constitution. La composition du bureau se fait à travers plusieurs élections distinctes : celle du président, des vice-présidents, des secrétaires élus et des questeurs. La parité s’applique à chacune de ces listes.
Ainsi, sur la liste des huit vice-présidents, la parité a été respectée, de même que pour les six secrétaires élus et les deux questeurs.
Même au sein des groupes parlementaires, la parité a été observée : dans la majorité comme dans l’opposition, les postes de présidence et de vice-présidence sont répartis entre hommes et femmes. Nous appliquons donc strictement notre règlement intérieur.
Où en est le projet de résolution de mise en accusation de votre collègue Guy Marius Sagna contre l’ancien président Macky Sall ?
Ce projet de résolution a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Normalement, il devra être examiné au cours de cette session. Il faut rappeler que, conformément au règlement intérieur, toute résolution doit d’abord franchir l’étape de la recevabilité avant d’être soumise à la plénière. Or, cette recevabilité est appréciée par le bureau. C’est donc à ce niveau que le projet sera étudié en premier lieu, pour déterminer s’il est effectivement recevable. Celui-ci devra l’examiner au cours de cette session pour en apprécier la recevabilité, condition préalable à son examen en plénière.
Certains estiment que vous hésitez à ouvrir une “boîte de Pandore” en poursuivant l’ancien président Macky Sall. Qu’en dites-vous ?
Non, il n’y a ni lenteur ni crainte. La procédure suit simplement son cours normal.
Le bureau doit examiner la recevabilité du texte avant toute autre étape. Il ne s’agit pas de se précipiter ou de faire du sensationnalisme, mais de respecter scrupuleusement les procédures prévues par la loi sur la Haute Cour de justice. Notre mandat est clair : garantir la justice, la reddition des comptes et la lutte contre l’impunité. Je rappelle qu’à la quatorzième législature, la Haute Cour n’avait même pas été mise en place. C’est désormais chose faite sous la quinzième législature, dirigée par le président Malick Ndiaye, qui impulse d’importantes réformes institutionnelles.
REALISE PAR NANDO CABRAL GOMIS










